Diététicienne de formation, j'ai eu une carrière atypique allant de la charge d'un restaurant à Los Angeles aux départements marketing de sociétés informatiques, je suis maintenant traductrice indépendante, très indépendante ! Ce qui me permet de m'adonner plus régulièrement à ma passion de toujours, l'écriture.

vendredi 23 juillet 2010


Au mois de septembre sortira mon second roman,

Jehanne
La voie du silence
aux Editions Le Manuscrit.

Pour titiller vos papilles, trois courts extraits du début du livre…

Prologue
Enfant, j'ai longtemps cru, que je n'aimais pas la mer. L'océan tumulte et ses incertitudes, ses dangers. Le règne des périls sournois. Le monde des bêtes molles et visqueuses, des monstres mythologiques cruels. Les longues étendues de sable, grises et vides.
L'océan me faisait peur, acteur de mes cauchemars, je me sentais me noyer, l'air me manquer, les poumons exploser. Les yeux se ferment, le noir oppresse. Les algues gluantes enserrent. La mouvance angoissante, qui veut sembler régulière et rassurante alors qu'elle n'est que mesquinerie et mensonge, les rouleaux lâches qui prennent par en-dessous. Les flots écumeux déchaînant leur fureur, l'onde rugissante et impétueuse. L'eau elle-même a une teinte céladon, curieuse synthèse de terre et de verdure mêlée.
Toute jeune, je me suis convaincue que je préférais les vacances à la montagne, l'apaisement, le calme, la quiétude de l'altitude. La politesse impavide de ses formes immobiles. L'équilibre imperturbable des immensités. L'inertie reposante des verticales. Les vaches tranquilles qui ruminent en regardant le passant. Les cabris moqueurs et les fleurs multicolores, soldanelles parmes et pulsatilles opalines. La douce chanson du vent pris au piège des arbres, comme une complainte légère, parfois un sifflement un peu plus soutenu.
Alors je ferme les yeux et me remémore les derniers mois de ma vie, la douce sérénité de la montagne avant la tourmente d'un océan déferlant…
Ça avait été un caillou jeté dans un étang limpide, lisse, sans pli. L'eau avait d'abord commencé par jaillir en faisant voler des éclaboussures, puis les ondes s'étaient propagées en cercles concentriques, de plus en plus grands. Leur course s'était ralentie jusqu'à ce que la surface reprenne sa platitude, et que l'étang retourne à son paisible sommeil, sa léthargie visqueuse, même si encore longtemps après quelques bulles sonores avaient ici et là continué à éclater à la surface.
Se souvient-on longtemps d'un caillou jeté dans l'eau ?



Jeudi 4 Octobre,
Ça y est les deux contrats sont arrivés la semaine passée. Je suis tellement contente de les avoir décrochés, ces deux-là ! Et là je tourne autour du pot alors que, très cher journal, j'ai une barre qui me bloque la respiration depuis tout à l'heure, une espèce d'asphyxie qui m'étouffe. J'ai peur.
Mon téléphone a sonné deux fois en appel masqué sans réponse au bout du fil. En général mes appels masqués de cette heure-là sont ceux de mon amour quand il s'assoit sur son portable. Sauf que là j'ai entendu puis écouté la seconde fois jusqu'à ce que la communication coupe, les halètements de rut masculin, les soupirs caractéristiques, les mots rauques. Et là je me suis rendue compte que malgré tout ce que je me dis je ne m'en moque pas s'il me trompe. J'ai été assailli par une bouffée d'angoisse, cela fait un mal de chien. J'ai envoyé un sms aussitôt « si c'est toi qui vient de m'appeler, la conférence n'a pas l'air si ennuyante… s'il te plaît verrouille… ». Pas de réponse, mais plus d'appel…
Plus tard, coup de fil, sa voix me rassure et sans aucune arrière-pensée, je le crois. Non, je ne le crois pas vraiment, je préfère le croire, je décide de le croire, je le veux. Pour que cette émotion que j'éprouve s'en aille. Me quitte. Jambes molles, flageolantes, mains tremblantes, et cette boule au creux de l'estomac. Un peu vertigineuse au sens mauvais, effrayante en fait, terrifiante. Mais la pensée reste à l'arrière…
Je passerai voir Louise demain. Peut-être oserais-je lui en parler… Comme je comprends Alicia…quand on passe de l'autre coté de la barrière…


La lande écossaise, sauvage et verte. Les falaises abruptes qui bordent une mer démontée. Et la petite maison basse. De la lumière à la fenêtre, Jehanne s'approche et telle une petite fille curieuse se penche pour observer au dedans. L'intérieur est charmant, aérien, irréel même. Des fleurs aux murs, sur les guéridons de belles et odorantes pivoines, boutons énormes. Jehanne sent leur parfum discret, leur parfum entêtant. Et puis il y a le lit aussi, un grand lit à baldaquin, un édredon parme, et des fleurs partout toujours, Jehanne pense « ce parfum est d'une légèreté… » Au loin sur la lande balayée par le vent, un Pierrot passe en sautillant, léger et espiègle, son costume blanc voletant autour de lui. Jehanne se retourne vers la fenêtre, elle se prépare à rentrer, elle a vu Noah, torse nu, pantalon à losanges multicolores tel un Arlequin insouciant, elle l'a vu s'asseoir doucement sur le rebord du lit. Il l'attend, elle le sait. Elle se prépare à rentrer dans la petite maison basse tapée par les vents de la lande écossaise, le lapin blanc vient de passer, pressé et grommelant comme toujours, il a sorti sa grosse montre gousset, l'a tendue vers Jehanne, il est l'heure, elle doit rentrer. Elle laisse s'écouler encore quelques secondes, une minute peut-être, se repaître encore de ce tableau si beau, si harmonieux. Laisser ses yeux caresser encore les pivoines roses et rouges, laisser son nez humer les effluves discrètes et envoûtantes, elle reconnaît l'odeur de musc de la peau de Noah, ferme les yeux pour profiter encore plus de ces arômes délicieux. Les rouvre, elle va rentrer Noah l'attend, elle se voit à coté de Noah, une femme longue en costume de Colombine. Noah la regarde, elle voit l'éclair particulier qui traverse son regard de miel. Elle reconnaît la lueur de l'envie. Elle voit la femme commencer doucement l'effeuillement sensuel du costume blanc, léger comme un nuage. Voit la femme s'asseoir près de Noah et regarde les mains de Noah se promener avec tendresse sur la peau claire de la femme.
Jehanne est toujours derrière la fenêtre, elle voit la pièce aux pivoines, elle sent toujours le parfum ténu des fleurs mêlé à celui de la peau de Noah. Dans ce décor de rêve, ce n'est pas elle avec Noah, elle voit leurs ébats, le corps parfait de cette femme sous les doigts de Noah, ce corps n'est pas le sien. Elle frappe au carreau, doucement au début puis de plus en plus fort, les arrêter avant que l'irréparable ne soit fait. Encore plus fort, le carreau se brise et sa main ensanglantée continue de taper encore et encore dans le vide, les pivoines tournent et vibrent en même temps que les corps légers de Noah et de la femme, elle voit les deux corps enlacés comme en lévitation sous l'intensité du désir, du plaisir, elle frappe encore et encore, sa bouche s'ouvre mais aucun son n'en sort, elle voudrait partir, courir, s'enfuir loin mais ses jambes sont comme clouées dans le sol de la lande écossaise, ses oreilles bourdonnent au vent violent de la lande. Les corps continuent de tourner et Jehanne sent ses larmes glacées lui labourer le visage. Elle se réveille en sursaut, éreintée. Se lève et attrape son journal. Écrire, ne plus penser, ne plus laisser son esprit libre d'imprimer ses images obscènes sur ses rétines endolories. Sa solitude et sa certitude étaient si intenses qu'elles semblaient parfaites.

Vendredi 5 octobre,
Et même la nuit mes rêves couleur cauchemar se déroulent au bord de l'eau déchaînée… un rêve éthéré d'Arlequin et de Colombine, un rêve vaporeux et angoissant. On est toujours à la recherche du même homme, l'amoureux parfait, l'éternel amant, et c'est la musique d'Arlequin que l'on entend sans cesse. Aucun amoureux ne satisfait complètement car ils sont tous mortels. Je regrette cette sorte d'envoûtement que j'ai éprouvé au début de ce rêve qui tourna en cauchemar ! J'ai aimé l'ambiance douce et feutrée de cette petite maison… je l'ai aimée parce qu'elle fait partie d'un rêve que je forme parfois. Non pas un rêve, une sorte de fantasme. Ce décor british si doux et romantique dans lequel je me croyais actrice alors que je n'étais que spectatrice de cette femme sans visage qui caressait la peau de Noah… Le rêve est l'ombre de la vie…j'en suis à me réveiller la nuit, baignée de sueur, une main de fer enserrant mon cœur malmené. J'apprends l'angoisse, pas seulement le chagrin, aussi l'angoisse, cette tenaille meurtrière qui me poursuit jusque dans mes nuits. Reviens vite mon amour, que je puisse savoir !

mardi 20 avril 2010

Paroles de lecteur...

Carine, le 19 avril 2010

Voilà je viens à nouveau de terminer "La Lune vient parler avec elle" d'Emmanuelle Recher.


La première fois, je l'ai lu d'une traite. Une après-midi pour le dévorer, presque en apnée.

La seconde fois, je l'ai dégusté. Pas question de perdre une miette du festin. J'ai pris mon temps, savouré. Avec de nombreuses pauses, des retours en arrière, pour relire. Pour m'imprégner des mots. De leur saveur, leur musique et leur sens.
 266 pages. Un bouquin fait sur mesure, personnalisé. Fabriqué avec amour, on le sent suinter rien qu'au toucher. Dès les premiers mots, je suis entrée en résonance. Sans avoir eu la même vie que Louise, j'ai les mêmes souvenirs. Des souvenirs de champs, de sous-bois, de campagne, mais aussi de souffrance de ne pas être aimée comme je l'avais rêvé.

Je vous conseille la lecture de ce livre émouvant, très bien écrit, plein d'amour, de chaleur et d'humanité, mais aussi de souffrance et d'amertume.

Un livre qui ressemble à son auteur. Un livre beau, parce que vrai, sincère et vibrant de vie. Une écriture riche et belle, parce qu'elle vient du fond des entrailles, et du cœur.

Merci Emmanuelle pour cet excellent moment de lecture...

mardi 16 mars 2010

Je vous attends ce samedi 20 mars 2010
à partir de 11h
au centre Culturel Leclerc de Pornic !
Stylo plume rempli et sourire aux lèvres,
je vous dédicacerai 'La lune vient parler avec elle'

samedi 6 février 2010

Platitude d'un samedi ordinaire...

Des aires avides

Mon esprit est vide. Vide de toute pensée, vide de tout. Comment c’est un cerveau vide ? Je m’imagine marchant sur les dunes laiteuses de mes circonvolutions crâniennes. Pas une onde, pas un souffle. Quand je ne pense pas, mon esprit est un désert et je traverse d’est en ouest, d’ouest en est, du nord au sud et du sud au nord mon esprit vide à la recherche d’une idée même larvaire ; c’est ma longue traversée du désert.

J’erre sans but entre le déséquilibre et la désespérance, et je tombe, désescalade non contrôlée, dans le désert aride de mon cerveau déserté par toute pensée, désertique de toute sensation. Pas un muscle de mon corps ne bouge, pas même mon cœur ou mes paupières, tout mouvement mécanique et inconscient a fui mon organisme désert. Je suis vide et mou. Je tourbillonne dans des abîmes d’absence mentale pesante et ennuyante. Un froid glacial fuse au ras des mamelons opalins et asséchés. Mon horloge interne régulant ma vie toute entière s’est mise à température zéro. Un désert blanc et glacé aux saillies stériles, l’instinct même a disparu, pas de sensations, aucune pulsion ou réflexe. Le panorama dévasté, absolument nu, si ce n’est ces quelques crêtes infécondes, l’espace désolé de mon cerveau archaïque me rend imperméable à toute logique. L’instinct de survie propre au plus petit des reptiliens ne m’habite même plus.

Je rêve de sirocco, une bonne grosse tempête neuronale qui ferait place neuve, nouveaux reliefs, nouvelles images de mon espace, nouvelles valeurs, le laid ferait beau, le faux serait juste et le mal irait bien. Mais non, pas le moindre souffle d’inspiration ne vient déranger le calme plat de mon encéphale, lit vide. Les replis restent immobiles, flasques, comme de minuscules oueds en attente du courant salvateur. Je me penche au risque de tomber tête la première sur les lits secs et froids en attente d’une petite pluie céphalo-salutaire, un crachin bienfaisant-rachidien. Devant moi, à perte de vue, une étendue blafarde de sebka plate, pas un parnasse poétique, pas un pic d’arithmétique. Je marche encore et encore, à la recherche de mon esprit perdu, je marche sans jamais m’arrêter sur la surface lisse de mon cerveau limbique à la recherche d’une touffe, d’une pierre, d’une émotion, un quelconque souvenir. Je cherche une trace de mon vécu, une toute petite parcelle de mon passé disparu. Les yeux fixés sur le sol immaculé, je traque l’empreinte d’une histoire, l’ancrage de quelques racines, d’une quelconque croyance. Je marche en bordure de mon cortex, enveloppé d’un nimbe nacré au bord d’un limbe infernal, je regimbe. Mais rien juste le néant d’un plongeon cortical au fond de mon vide cervical.

Longtemps, j'ai assimilé le désert à l'immensité plane, aux deux couleurs du sable stérile et du bleu blanc d’un ciel trop chaud. Maintenant, je sais que le désert, c'est surtout le silence, un silence pesant et rempli, oppressant, un silence lourd. Rien n’y est vraiment plat, tout est de rondeurs, sphérique, brûlant et vide. Jusqu’à en perdre la vue. Et là devant moi, j’aperçois le paysage onduleux de mon cerveau blanc crayeux aux doux sommets que rien ne trouble et je me sens seul, si seul dans mon esprit vide. Je divague, m’égare dans cette vastitude morose et argentée. L’ennui me gagne au milieu de cette incapacité d’abstraction, je cherche à associer des idées, encore faudrait-il en voir le bout d’une afin de pouvoir les associer ! Que la conscience me gagne ! Qu’elle me dévore, me happe, m’intercepte ! Où donc est passé mon cerveau de Descartes dans ce Sahara inhabité et froid ?

J’erre sans but, en déséquilibre hasardeux sur le fil ténu de mon sillon inter hémisphérique, les bras bien tendus sur les cotés de mon corps, je vois leurs ombres qui s’étalent sur les calottes lactescentes. Je trébuche, je titube, dois rester bien droit sur le sillon, un pied devant l’autre, remettre l’autre devant l’un, se tenir bien au milieu pour provoquer la stimulation. La provoquer à droite sans concentration, tant pis, plusieurs choses en même temps d’accord, aller à l’essentiel, au global, une vision intuitive, c’est toujours ça. Ou même à gauche, une seconde après l’autre, un mot après l’autre, une seule chose à la fois, là où donc implique cela, peu importe. L’important est de titiller l’émotionnel, aiguillonner la perception, talonner la raison. Réveiller l’infime excitation qui fera de ces ondulations exsangues et désertiques un havre de conception philosophique, un paradis d’analyses algorithmiques. Mais non rien ne se profile sur l’horizon blafard aux sphéricités dépeuplées. Pas une douleur, pas une émotion ne vient troubler ce désert gris blanc. Le désert de mon esprit est désespérant, navrant… Un système si peu sympathique !

Je m’assois au pied d’un dôme graisseux et j’attends sans impatience quelque fulgurante pensée qui viendrait tel un mirage bousculer cet océan immobile et moutonneux, ce dédale improductif. Un tumulte quelconque. Un souffle même léger pour raviver la flamme olympique de la conception. Une goutte de génie qui viendrait semer et regarderait fleurir la fleur du savoir. J’attends le raisonnement profond qui planterait un oasis d’intelligence au beau milieu du désert vide de mon esprit ouvert à toutes propositions, prêt à toutes promesses, j’imagine des palmiers aux ramures géométriques et rationnelles, de longues feuilles dentelées de mots, constellées de verbes aux propositions élégamment indépendantes, artistiquement coordonnées, brillamment relatives. Un oasis aux courbes proportionnelles, belle flaque métaphysique miroitante d’aphorismes, de statistiques et de probabilités, d’équations et d’inconnues, quelques nuages de points, des massifs drus de théories philosophiques, des jardins verveux.

Toujours assis, avachi, amorphe, épuisé par ce néant astral, je songe à ce labyrinthe de dunes insupportablement incultes que j’ai traversées durant ce temps immesurable, lacis lascif aux méandres douteux et improbables, irréfléchis et vagues. C’est comme une chute inerte dans un barathre cruel. Je voudrais jeter une sonde dans cette ombre apathique et partir à la découverte de cet abîme éteint, y trouver un suc sensoriellement riche, éminemment intelligent. Je laisse derrière moi la butte visqueuse de mes cellules si peu nerveuses, me relève et me dirige sans espoir vers un point imprécis au loin, serait-ce une idée ? Un jaillissement humide ? Quelque geyser imbibé de conscience retrouvée ? J’ai repris le cheminement pesant de ma promenade dans ce désert bréhaigne, avide que je suis de l’enfantement même incomplet du plus léger influx.

Et je flâne toujours seul dans ce paysage lunaire, ce paysage improbable et vacant, je déambule, désœuvré, en pleine désespérance, en pleine déconfiture cérébrale. Mes pas sans but me mènent tout droit au cervelet, je tourne et retourne, désorienté. Pas le petit volt de flux ! Pas le moindre reflux ! L’engourdissement me gagne. L’absence de conscience de mes propres sentiments me harcèle et m’effraie. Alors je m’accompagne seul dans mon monde intérieur, un monde désertique et aussi stérile qu’une steppe aride. Il n’y a pas de mots sur d’invisibles d’images, pas de maux sur d’imperceptibles douleurs. Si ma réalité est faite de langage, je réalise l’irréalité tangible de mon vide cérébral. Si ma pensée peuple mon monde, je réalise l’immatérialité frappante de mon esprit dévasté. Si l’émotion est le moteur de mes actions, je réalise le mirage statique de ma solitude mentale.

Je me bouscule, je m’invective, « Méninge-toi donc un peu que diable ! Secoue ta mémoire ! Panse tes failles torrentueuses ! Fais sortir de tes replis sinueux une toute petite idée, une lueur d’hypothèse, un bout de pensée ! ». Mais rien ne se passe, je prêche dans un désert inexpugnable…désespérément dépeuplé.

Je grimpe doucement sur un des grands bancs de substance grise de mon désert à moi, une sorte de hamada sillonnée de canaux d’érosion, érodés d’avoir trop pensé sans doute, avant d’être asséchés de toute activité réflective. Avant que mon cerveau ne se transforme en thébaïde désolée. Avant le grand désert, la toute grande béance. Je me souviens avec nostalgie de ces merveilleux paysages luxuriants, îles de végétations spontanées au milieu du désert de l’ignorance. Ilot de connaissance pure, de spiritualité candide, pourchassant l’ilotisme sablonneux au loin, très loin vers mes ergs calleux. Je me souviens avec exaltation de ma pensée vue par un trou comme dans les dioramas de foire, des spirales gracieuses d’opinions futiles, l’intensité stellaire des émotions amoureuses, l’électricité statique des réflexes vitaux, parfois quelques surméninges de bon aloi, de beaux filets savamment tissés de postulats plantureux. C’était un merveilleux kaléidoscope de raisonnements résonnés, de supputations dubitatives, de paroles sensées, d’axiomes démontrés, de conjectures a-priori, le tout délicieusement parsemé d’apophtegmes flegmatiques. Quelle blandice !

Le ciel de ma boîte crânienne est lisse et triste. Un ciel sans astre, tristement traversé de stries inégales, telle une toile tendue fine et arachnoïde. Mon désert cérébral est bien enfermé, hermétiquement clos, personne ne pourrait y entrer pas même l’algèbre explicite du π amer. C’est pourquoi j’erre seul, tel le Petit Prince sur sa planète ronde et blanche. Et si comme lui je ramonais soigneusement mes volcans ? Remuer mes méninges, les secouer pour en extraire une moelle substantifique, un jus intelligent, ramollir la dure-mère et provoquer des bouillonnements effervescents de cogitations électrisées, de méditations survoltées. Pénétrer en profondeur les cratères désertés, ébranler mes motoneurones pour les voir fusionner, dégouliner en une lave brûlante d’érudition. Fragile vous dites ? Et bien tant pis si j’y fais un trou, j’y mettrai un pensement !

samedi 30 janvier 2010

Humeur fantastique pour le weekend...

Le Horla

Ce matin, le lait avait disparu de mon thé…

Je m’appelle Aliénor Labbé. Je suis une vieille dame respectable, sans histoire, honnête et charitable. Je vivais il y a encore de cela une semaine avec ma sœur Hortense Labbé dans cette même maison qui nous a vu naitre, au bord de la rivière.

Depuis quelques jours, j’avais compris qu’importait la narration des dernières semaines. Or la chose arriva, ce matin, le lait avait disparu de mon thé. Alors la sage écolière que je fus a repris du service et coriace, me voilà, peinant sur un cahier à petites lignes racontant ces dernières semaines.

Je pense à ma sœur Hortense, la folle qu’ils disaient les sorciers du village, pas si folle, passiflore, la guêpe !

Elle dit que Belphégor la dévore, la mord, la tord, l’amuse aussi. Pourtant Hortense la maudite est morte, la semaine passée. Était-elle si maudite ?

Tout avait débuté il y a cinq ou six semaines maintenant. Nous menions avant, Hortense et moi, la vie calme et paisible des vieilles dames, quelques promenades aux premiers rayons de soleil, du tricot pendant les jours de pluie, les quelques courses nécessaires à l’épicerie du hameau. Nos longues discussions sur le passé lointain et heureux, notre jardin et ses fleurs, nos fleurs, magnifiques, elles faisaient notre fierté. Une tonnelle de Pierre de Ronsard, les lobelias couleur sang et les hémérocalles, belles-d’un-jour de feu. Jusqu’à ce matin d’été, où à notre lever, à 8h exactement, nous avons trouvé, horrifiées, la véranda ouverte sur le jardin et un grand vase que nous ne connaissions pas sur le guéridon du salon, dans le vase toutes les branches fleuries de notre laurier rose, la stupéfaction ! Que dis-je stupeur ! Dehors, lavande, hortensia et lilas arrachés. Un corbeau clamait sur l’orme, une clarine invisible tintait sans répit. Oracle frelaté, sortilège déclaré ?

Elle a dit Hortense, sentir l’amorce d’une flamme maléfique. Lors même, personne ne l’a crue. Pas même moi, sa propre sœur. Et pourtant, ce matin, le lait avait disparu de mon thé.

Notre vie s’est corrompue ce jour-là. L’horreur a remplacé notre calme au quotidien. Le jardin est devenu d’abord la porte d’entrée calamiteuse de cette chose, le portail élastique du bordel hilare et l’oriel, la scène de ses forfaits et larcins. Chaque nuit fut une épreuve, dormir devint un labyrinthe hideux, où trop forte, l’apparition forçait la fornication, l’ajout infernal du cor de l’hallali déformé, l’âpre morceau l’accompagne. Le monstre lubrique et morbide obligeait à de salaces orgies, flagellations conformes à la dépravation sans moratoire la plus perverse. Nous buvions, vaincues et bornées, sur l’athanor la plus odieuse des potions dans l’amphore labélisée immoralité lascive. Mi-goret, l’alchimiste arborait l’asticot rose et dodu raide. Morpion, blatte ou scorpion, j’étais l’agneau. Le porcin palabre, sur sa gauche il déporte la sœur morose, l’accule dès lors, la bascule, l’élabore, l’agresse. Mortifiée par l’anamorphose de l’accouplement, débraillée du corsage, l’araignée de l’orgasme l’accapare. Elle adore la haine, horripile l’absurde mordacité sur l’accoudoir du canapé.

Nos nuits étaient suivies d’immanquables oraisons, de l’affliction sans limite d’Hortense et moi. La religion ne nous fut pourtant pas d’un grand secours, notre bon curé Nestor Lachaux, à qui nous avions raconté les faits, d’exorcisme nous parla, doutant il faut bien le dire de notre raison. Il exigea notre repentir pour les péchés nocturnes, notre confession quasi quotidienne. Il faut bien admettre qu’à l’horizon de celle-là, il lorgnait, l’avide, l’onanisme offert. Penaudes nous revînmes, mornes à la maison. Entre nous, nous n’osions en parler, pas chez nous en tout cas, de peur de réveiller… de réveiller quoi d’ailleurs, cette présence maléfique, inqualifiable. Pas de formule lapidaire pour décrire l’effroi.

Comme cette fois où tout mon corps l’a flairé, senti, ressenti, je me promenais parmi l’hellébore et le glaïeul, bordeaux et écarlate, lorsque j’ai vu la tige fraîchement cassée et, anormale, la fleur se balancer moqueusement dans les airs. Hortense la maudite est morte la semaine passée, l’horreur la crucifiait, l’immoralité la clouait, mortuaire, la corde l’a pendue. Dans le grenier. Suicide qu’ils ont dit, et monsieur le curé a dit nous avoir prévenues, il n’a pas voulu l’enterrer dignement, a réclamé plus de confessions, plus de contrition, plus d’absolution. Mais moi je sais que l’Hortense ne l’a pas fait. Je le sais du haut de son mirador il l’a tuée, sans pitié, ricanant, buvant notre lait. Comment trancher le nœud gordien ? Lapider le surnaturel ?

Morbleu ! L’adieu de ma sœur fut tel un couperet, une guillotine qui me laissa moribonde, me fit l’anachorète laconique de ce fantôme zoomorphe et glabre.

Un soir, nous avions laissé, en porcelaine sur la table mortadelle et lapin moutarde, un verre d’eau aussi. Le matin, seul ce dernier était vide. Le lendemain soir, morilles à la crème et un verre de lait. Le matin, seul ce dernier était vide. L’esprit du malin se nourrit d’eau et de lait. Et ce matin, le lait avait disparu de mon thé.

Le forcené flâne, le regard torve il prépare le glas. Il se morfond de l’anorgasmie, la conspue. Mordorée la lumière tombe, le jour s’en va. Normalement, la nuit avance, lentement, je serai le hors d’œuvre, la victime déflorée, à l’affût, il l’est, je le sens, je le sais. J’ai morgue dans la gorge, l’exhalation du borgne, la flatulence. Le porc m’épie par la lorgnette, la tasse de lait, crâneuse, victorieuse sur la table, je veux forlancer la bête, honorablement la débusquer et puis son organe élaguer…

Peut-être que personne ne me croira, sans doute, même, pourtant ce matin, le lait avait disparu de mon thé…

mercredi 27 janvier 2010


Pour le moment seules quelques pensées jonchent ce blog, aujourd'hui, place aux délices... une petite recette toute simple de flan à la noix de coco.

Ingrédients :
- 400 ml de lait de coco
- 100 gr de sucre en poudre
- 1 sachet de sucre vanillé
- 100 gr de noix de coco rapée
- 4 oeufs
On prend tout et on mélange dans une jatte. On place dans un moule à cake beurré au four 45' à 180°. On démoule, on place dans un joli plat et on décore de quelques fruits secs.
Voilà un bon dessert riche en fibres et en vitamines du groupe B. Parfait complément protéique gourmand d'un soir après une bonne soupe de légumes !

Le nom de la noix de coco est apparu au XVIème siècle, il vient du portugais croquemitaine, un visage à l'allure hirsute.

mardi 26 janvier 2010

Billet de mon humeur...
Mélusine


Une petite fille hideuse, la tête en pain de sucre, le cheveu filasse, rare, les yeux globuleux, le visage barré d’épaisses lunettes d’écailles brunes. Sa bouche est grande, trop grande pour le visage, sa bouche s’ouvre et se ferme sans arrêt, comme celle d’un poisson à cours d’air sur le rivage, un air horrifié, un peu perdu. Assise sur un petit tabouret de bois, ses bras forment, un angle droit, les avant-bras sont couverts de laine argentée. À coté, un fauteuil haut de cuir râpé, un grand-père, beau, une peau ridée avec élégance, charmance, des cheveux auréole angélique, mousse laiteuse que l’on devine douce à caresser. De longues mains aux doigts osseux, sa peau est blanche, aux veinules rubis et saphir. Des yeux bleus, une eau limpide délavée par les ans. Ses longs doigts gracieux, graciles enroulent patiemment et avec dextérité la laine argentée. Une belle pelote bien ronde, régulière, éclatante brille comme une étoile filante au creux de sa main.


Un tête-à-tête étrange au coin d’un feu improbable, un feu violet ou rose, océan de bruyères, vert ou bleu, vagues tumultueuses et profondes, orange ou rouge, massifs de coraux aux algues dansantes. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.


- Dis grand-père, est-ce que les feux d’artifice dérangent Dieu ?

- Non Mélusine, à cette heure-là, il regarde la télé, il y a les infos sur la 3, alors…

- Et est-ce qu’ils abîment le ciel ?

- Ils font des trous dans les nuages et donc les éparpillent, demain, tu verras, il fera beau…
La pelote continue de grossir, joliment, sans que les fils sur les avant bras de la petite fille ne paraissent diminuer. De temps en temps, le grand-père ramène ses cheveux vaporeux en arrière, d’un geste plaisant que l’on devine machinal. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.

- Est-ce que les escargots gardent leur coquille pour aller faire pipi ?

- Non, il y a un porte-coquille derrière la porte, comme dans les WC des gares.

- C’est quoi des WC, grand-père ?

- Cela veut dire Walter Closet, c’est l’homme qui inventé les ouatères, au XVIIème siècle… un lieu d’aisance régulièrement lavé par l’ancêtre de la chasse d’eau…

- Alors comment on faisait avant, grand-père ?

- Et ben avant, on faisait pas, Mélusine… L’humanité toute entière s’est retenue d’uriner et de déféquer, jusque la date fatidique de l’invention de Monsieur Closet. Quel grand homme ! Soulageur des postérieurs, du plus humble au mieux nanti…

- Et les escargots, grand-père, ils faisaient pas non plus ?

Le feu crépite dans la cheminée, quelques filets de fumée bleutée traversent une planche, comme des petits fantômes traverseraient une cloison. Les braises rosissent, violassent, bleuissent, verdoient, rougeoient, réchauffent.

- Non ils se retenaient aussi et du coup ils gardaient en permanence leur coquille

- Est-ce qu’il leur arrive d’oublier leur coquille aux WC, grand-père ?

- Oui, malheureusement, l’escargot est étourdi de nature. D’ailleurs l’invention des ouatères a vu naître la limace, escargot étourdi qui oublie sa coquille au porte-coquille, derrière la porte des WC, comme dans les gares.


La pelote continue de tourner dans les mains longues et fines du grand-père, un feu scintillant, une boule de lumière. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.

- Et ces tours Eiffel, éparpillées dans les champs grand-père, c’est quoi, et tous ces fils tirés entre elles ?

- Ce sont les fils à linge des géants, ces malotrus dénaturent sans scrupule notre paysage pour pouvoir faire sécher leur caleçon de géant à la lueur de la lune, du linge blanc et immense étendu dans la nuit, comme des suaires immobiles, funèbres. Mais ils sont trop grands et trop obtus pour que l’on obtienne quoique ce soit d’eux ! Alors nous subissons leur tyrannie de buanderie.


Le fil ne cesse d’argenter la pelote, qui grandit, grandit tout en restant toujours bien calée, au creux des mains du grand-père. Le fil argenté est toujours aussi abondant sur les avant-bras replets de la petite fille, incandescent. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.

- Et la guerre grand-père, pourquoi les hommes font-ils la guerre ?

- Pour les boutons de culotte Mélusine, juste pour obtenir le plus de boutons de culotte possible.

- Ah, évidemment, c’est une bonne raison

- Les hommes restent des enfants toute leur vie…

- Et les escargots grand-père, ils font la guerre aussi ?

- Non Mélusine, ils n’ont pas besoin, ils n’ont pas de boutons à leur culotte…

Le grand-père pose ses beaux yeux de saphir sur le visage laid de sa petite-fille. La laine argentée est toujours aussi abondante sur les avant-bras, la pelote grossit toujours et pourtant paraît toujours tenir au creux des mains gra-cieuses et ciles du vieil homme. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.

- Ben oui… Et la méchanceté, grand-père, c’est quoi la méchanceté ?

- C’est une gentillesse qui a mal tourné…

- Et la haine grand-père, c’est quoi la haine ?

- C’est un amour trop intense, terrible et redoutable qui ronge, qui grignote tout l’intérieur aussi sûrement que si l’on s’était enfermé un rat dans le fondement…

- Oui évidemment, un rat qui grignote…

La pelote emplit bientôt tout le fauteuil du grand-père mais tient toujours au creux de ces mains, bien calée. Comme le grand-père le dos contre le dossier de cuir usé. La laine d’argent boursoufle les avant-bras de la petite fille. Le feu n’en finit pas de jouer les arcs-en-ciel, de chanter, déchirant l’air tranquille dans une complainte lancinante, les flammes toutes mangées sur les bords se tordent en un ballet douloureux. Il fait chaud dans cette pièce improbable. La bouche de la petite fille laide s’ouvre et se ferme, toujours. Parfois un son sort, une question fuse.

- Et la trahison grand-père, c’est quoi la trahison ?

- ça Mélusine, c’est beaucoup plus compliqué. C’est humain donc compliqué. La trahison c’est une confiance mal rangée, une croyance ébranlée, c’est une franchise affranchie, une fraternité ennemie, c’est un crédit débiteur. C’est une montagne majestueuse et confortable qui explose en mille morceaux acérés qui perforent. C’est un soleil rayonnant et chaleureux qui devient brûlant, qui laisse des cautères sanguinolents, des phlogoses purulentes…

- Des flots gozes, grand-père, c’est quoi des flots gozes, c’est dans la mer ?

- Oui, dans une mer de fiel acide aux ondes majestueuses et irradiantes. Des vagues incendiaires, une nappe corrosive, une marée ardente, une flambée moutonneuse, un ressac sournois et blessant, une écume de haine et d’envie. La trahison, Mélusine, c’est con…juste con...

lundi 4 janvier 2010